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LE PARTAGE DE L’ANDOUILLE.

tous côtés, on n’y craint pas de surprise. » Renart n’étoit pas trop de cet avis ; mais le chat, sans attendre de permission, couroit à toutes jambes et c’étoit à Renart de le suivre. « Attendez-moi donc ! compain. — Mais vous, » reprenoit Tybert « hâtez le pas, si vous voulez arriver à temps. »

Quand il fut au haut du tertre, Tybert, qui dès sa première enfance avoit appris l’art de monter et descendre, dresse les pieds, et grâce à ses ongles, grimpe aisément sur les bras de la croix. Il s’y arrête en ronronnant, pendant que Renart arrive : « Eh ! Tybert, comment l’entendez-vous ? — Comme il faut, compain. Montez, nous mangerons ensemble. — Cela me seroit difficile, c’est à vous de descendre. Vous savez à qui l’andouille appartient ; c’est d’ailleurs un objet sanctifié qu’il faut partager avant de manger. Gardez-en la moitié et jettez-m’en l’autre ; ainsi notre association sera consacrée. — Ah ! Renart, que dites-vous là ! êtes-vous ivre ? je ne le ferois pas pour cent livres. Oui, l’andouille est un symbole de foi et c’est pour cela qu’on ne peut mieux la manger que sur croix ou dans l’église. On doit y mettre une grande révérence. — Mais, » dit Renart, « il n’y a pas de place pour deux sur votre croix ; vous le savez, chevalier dé-