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de boue et de sang ! La certitude que tout cela sentait mauvais, lui était particulièrement intolérable.

Alors, cette lutte de retenue et de zèle charitable menaçant de s’éterniser, Édith s’emporta :

— Je veux… entendez-vous bien ?… Je… veux ! »

Voyons ! était-elle la maîtresse, sur sa charrette, oui ou non ? Lui, n’avait qu’à ne pas y monter, tantôt. Elle ajouta même sèchement :

— Si vous ne cédiez pas, il ne vous resterait qu’à descendre…

Un long regard d’effroi, de soumission tendre, fut la réponse de Gabriel.

La lanterne, pendue maintenant à un clou à crochet contre une des parois de la charrette, ne les éclairait que d’une clarté douteuse. Édith releva la bougie davantage. Puis, agenouillée sur la paille, à côté de son blessé, elle était en train de tirer d’un énorme sac de voyage une éponge, des bandes de toile, diverses fioles : arnica, eau-de-vie camphrée, etc., toute une petite pharmacie emportée de Plémoran par précaution. Mais, où déposer son attirail ? Une large caisse en bois blanc ne se trouvait-elle pas là, devant ses mains, comme tout exprès ? Sans balancer, elle étala sa pharmacie sur le cercueil, qui lui fut aussi commode qu’une table. Même, à un ressaut de la charrette, un peu de l’eau qu’elle avait versée sur l’éponge dans un grand plat, se répandit. Et, entre les planches mal jointes, quelques gouttes de cette eau durent asperger les restes du zouave pontifical. Mais Édith, qui venait de se débarrasser de la pelisse et de relever jusqu’au coude les manches de son manteau de velours noir bordé de fourrures, ne pensait qu’à ses préparatifs.