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godillots tombant avec des chocs divers sur le plancher gênaient l’obscurité du silence. Tout à coup, Sauvageot s’écria :

— Malheur de malheur ! est-ce que la guerre ne va pas bientôt finir ?… À quoi ça sert-il ?… On était si tranquille !

Mais au milieu du craquement des châlits sous les corps fatigués, un troupier lâcha un pet.

— Cours après, Sauvageot.

Celui-ci ne se troubla point ; la voix encore plus convaincue, il reprit :

— Oui, la guerre… À quoi ça sert-il ?

Et il allait continuer ses jérémiades, lorsque Verdier commanda :

— Silence !

Au bout d’un quart d’heure, chacun dormait, tandis que les ronflements du grand soldat maigre alternaient avec ceux du caporal.

Petit à petit, une clarté rousse entra par la fenêtre ; terne d’abord, bientôt éclatante elle glissa vers le lit le plus rapproché, le marqua d’une tache sanguinolente. C’était l’aurore boréale qui envahissait la nuit au-dessus de la caserne.