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sur les planches d’un petit théâtre, elle répondit :

— Parce que je suis Parisienne, parbleu ! et que les Parisiennes ne font pas comme vous, des lâchetés.

Et tournant brusquement les talons, elle sortit. Derrière elle les portes claquaient. Mme Worimann, qui la regardait s’en aller d’un air de douce pitié, répétait :

— Ce n’est point la peine de faire tant d’embarras. Tu y viendras, ma petite, tu y viendras, et peut-être encore plus tôt que tu ne crois.

En attendant, elle crut de sa dignité de ne plus échanger un mot avec sa locataire.

Des journées se passèrent, des journées, encore des journées. La vie de Mme de Pahauën s’écoulait morne et désolée. Maintenant elle était seule, sa femme de chambre l’avait quittée après une grande dispute. Elle éprouvait ce surcroît de tristesse d’être obligée de faire son ménage elle-même. Par vengeance, Mme Worimann refusait de l’aider, et tous les matins elle traînait dans sa chambre, en peignoir, les cheveux dénoués, s’y reprenant à deux ou trois fois pour faire son lit. Les matelas à remuer fatiguaient ses reins peu habitués aux fatigues domestiques ; elle avait des maladresses constantes, et les précautions continuelles qu’elle prenait pour ne point salir la blancheur de ses mains, les gants qu’elle mettait pour les préserver, la rendaient si malhabile qu’elle cassait tous les menus objets fragiles auxquels elle touchait. Son élégance même l’abandonnait.

Jadis, elle avait été la vivante figure de la mode. Sur son dos, les toilettes doublaient de grâce, sur sa tête les chapeaux prenaient des imprévus de coquetterie. Maintenant, les costumes luxueux, les coiffures déli-