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rant les collines, les routes et les chemins de fer, elle indiqua Versailles, et elle répétait avec un ton de menace.

— J’irai là, là,

— À votre aise.

Comme il n’avait pas l’air de s’indigner, elle appuya pour se donner la satisfaction de lui causer un dernier mouvement de colère. D’un mot suprême, elle insulta son patriotisme, ravala son habileté.

— Oui, chez les Prussiens. Ils sont plus malins que toi. En voilà des gens forts, au moins ! Tandis que toi et tes généraux, tiens, veux-tu que je te dise, vous me faites suer.

Puis, s’inclinant dans une gracieuse révérence, ainsi qu’elle avait coutume de faire quand elle sortait de visite :

— Allons, au revoir, cher. Bonne chance.

Néanmoins, cédant à un intime besoin d’ironie, elle lui demanda :

— Hein ? tu n’as rien à faire dire.

— À qui ?

— À ces messieurs, là-bas.

Mais déjà il n’écoutait plus. Derrière elle, il venait de fermer la porte, et tout seul, il respirait à pleins poumons, avec cette satisfaction que laissent après eux les ouvrages malaisés et les résolutions difficiles à exécuter. Maintenant que Mme de Pahauën était partie, maintenant qu’il s’était enfin trouvé le courage de rompre avec elle, il renaissait à des libertés, à des volontés qu’elle avait annihilées, par l’ensorcèlement de sa grâce, qu’elle avait amollies par la tendresse de son sourire. Un moment cependant, comme pour se défendre contre lui-même au