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même qui l’attaquaient n’avaient jamais mis sa valeur en doute. Les généraux inspecteurs l’avaient souvent constatée dans leurs rapports particuliers ; il avait des notes superbes, des états de service magnifiques, et, vaniteusement, une à une, il citait ses campagnes, montrait ses décorations, énumérait ses citations à l’ordre du jour. L’armée tout entière le respectait ; il avait publié sur les questions militaires des livres fort remarqués, étant bon écrivain. Et elle prétendait qu’il passait pour ridicule ! Ce mot, il le répétait sans cesse, il revenait obstinément comme une obsession, servait de conclusion à tous ses raisonnements. Ridicule !

Mais Mme de Pahauën, d’une voix flûtée, en femme qui sait ce qu’elle dit, et dont l’opinion personnelle est soutenue de l’avis général :

— Ah ! mon Dieu oui, ridicule ! quand tu diras.

Il fit un geste d’emportement et de dénégation suprême.

— Mais voyou, tu ne vois donc rien ? tu ne lis donc rien ? tu n’entends donc rien ?

Alors, avec une taquinerie cruelle, avec des mouvements de main qui coupaient l’air, sèchement, et appuyaient ses affirmations, elle lui rappela ses impuissances, elle exagéra sa mauvaise chance, ses échecs qu’elle aggravait, en les mettant férocement sur le compte de son incapacité et de sa prétention. Elle lui dit toutes les misères qu’il se défendait de prendre au sérieux : les combattants sans ordres, l’armée sans organisation, les batailles livrées au hasard et finissant en défaites, toujours, les équipages en retard, les munitions qui manquaient, les ponts trop courts. Elle lui montra Paris où toutes les bonnes