Page:Les Mille et Une Nuits, trad. Galland, Le Normant, 1806, VI.djvu/163

Cette page a été validée par deux contributeurs.
155
CONTES ARABES.

boit ensemble comme nous le faisons. Chez nous, à la Chine, l’amant et l’amante se présentent réciproquement à chacun leur gobelet, et de la sorte ils boivent à la santé l’un de l’autre. » En même temps elle lui présenta le gobelet qu’elle tenoit, en avançant l’autre main pour recevoir le sien. Le magicien africain se hâta de faire cet échange avec d’autant plus de plaisir, qu’il regarda cette faveur comme la marque la plus certaine de la conquête entière du cœur de la princesse, ce qui le mit au comble de son bonheur. Avant qu’il bût : « Princesse, dit-il le gobelet à la main, il s’en faut beaucoup que nos Africains soient aussi raffinés dans l’art d’assaisonner l’amour de tous ses agrémens que les Chinois ; et en m’instruisant d’une leçon que j’ignorois, j’apprends aussi à quel point je dois être sensible à la grâce que je reçois. Jamais je ne l’oublierai, aimable princesse : j’ai retrouvé en buvant dans votre gobelet, une vie dont votre cruauté m’eût fait perdre l’espérance, si elle eût continué. »