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CONTES ARABES.

étonnement un grand homme noir, ou plutôt un géant épouvantable qui étoit assis sur un sofa. Le monstre avoit devant lui une grosse cruche de vin, et faisoit rôtir sur des charbons un bœuf qu’il venoit d’écorcher. Tantôt il portoit la cruche à sa bouche, et tantôt il dépeçoit ce bœuf et en mangeoit des morceaux. Mais ce qui attira le plus l’attention du roi mon père, fut une très-belle femme qu’il aperçut dans la cabane. Elle paroissoit plongée dans une profonde tristesse ; elle avoit les mains liées ; et l’on voyoit à ses pieds un petit enfant de deux ou trois ans, qui, comme s’il eût déjà senti les malheurs de sa mère, pleuroit sans relâche, et faisoit retentir l’air de ses cris.

» Mon père frappé de cet objet pitoyable, fut d’abord tenté d’entrer dans la cabane et d’attaquer le géant ; mais faisant réflexion que ce combat seroit inégal, il s’arrêta, et résolut, puisque ses forces ne suffisoient pas, de s’en défaire par surprise. Cependant le géant, après avoir vuidé la