Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/398

Cette page n’a pas encore été corrigée

208 LA NOUKKICE SUR PLACE.

Elle se partage avec h femme de cliambre, camarcra m a r or au petil pied, la défroque de sa maîtresse ; à l’une ceci , à l’aulre cela ; radjudicalioii se fail à l’amiable ; car dans la hiérarchie de la domesticilé, la femme de chambre est la seule personne avec qui la nourrice vive en paix , encore esl-re à l’état de paix armée. Ce sont deux puissances qui se respeclent en se jalousant.

En ceci comme en beaucoup d’autres choses de ce monde , la forme emporte le fond ; les intérêts triplent le capital , et il arrive A la fin du mois que les revenus perçus (l’une façon indirecte dépassent de beaucoup le chiffre du traitement fixe. La chrysalide a fait peau neuve. Quelques Tuois de séjour à Paris ont fait tomber la rude enveloppe qui cachait le papillon frais et dodu. La fille des campagnes a jeté, une à une et petit à petit, les pièces de son trousseau champêtre : la Berrichonne

ilidiiiue le chapeau de paille tressée ; la Cauchoise, le haut bonnet de tulle ; toutes

mordent à l’hameçon de la coquetterie , et une toilette fringante succède au déshabillé modeste de la fermière.

La dentelle s’entortille autoiu’ d’un bonnet coquet ; les cordons de soie d’un soulier de prunelle se croisent sur un bas de coton blanc len tiré : la robe est façonnée avec sabots , ou manches plates , suivant la mode ; un mouchoir de Barége s’enroule autour du cou protégé par une collerette : on dirait une grisette en bonne fortune. Tous ces changements se sont o|)érés graducllemenl à la sourdine ; l’œil jaloux des cuisinières peut seul en suivre les modifications successives, depuis la jupe de percale blanche jusqu’au gant de peau de Suède.

Fraîche, pimpante, accorte, la nourrie :’, dans tout l’éclat de ses atours , se prélasseaux Tuileries en compagnie de .ses collègues, taudis que les enfants s’amuseni comme ils le peuvent, en suçant leur pouce ou leur hochet. Leurs vigilantes gardiennes ont bien d’autres choses à faire qu’à veiller sur leurs jeux , et parce qu’on est nourrice faut-il ab( :li(|uer tout droit à la co<|uellerie, cette nourriture des âmes féminines ?

Aux Tuileries, la nourrice tient sa cour pléiiière ; elle a pour boudoir les quinconces de marronniers, les longues allées pour galeries. Elle trône sur un banc ou sur deux chaises, et reçoit les hommages de ses vassaux, sur la terrasse des Feuillants en été , à la petite Provence en hiver. Le cercle de ses adorateurs s’étend ou diminue, soumis aux varialions numériques de la garnison de Paris ; un statisticien pourrait faire le compte des régiments qui casernent dans la capitale d’après le chiffre des guerriers qui Hàneiit ou stationnent autour d’elle. L’artillerie passe l’aigrette rouge au vent et broyant le gravier sous ses bottes ferrées ; la cavalerie tourne et retourne, faisant reluire au soleil ses grands sabres d’acier et ses longs éperons ; l’infanterie est au port d’arme , le shako sur l’oreille et le petit doigt sur la couture du pantalon, comme un jour d’inspection ; on y peut découvrir même le casque jaune du sapeurpompier, dont l’inflammable sensibilité est devenue proverbiahle. C’est une joute de galanterie où l’on se bat à armes courtoises, à l’aide du pain d’éliice, du sucre d’orge, de l’échaudé, modestes offrandes d’un cœur éjiris, et dont chaque prétendant en uniforme se dispute le privilège.

Ici u.ne ijuestion se présente tout naturellement à l’esprit, (|uestion grae dont la