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ne pas comprendre ce qu’il dit, je cherche quel qu’un qui me l’explique. « Vois et examine ce qui est écrit là, me dit-on, comme si ce l’était en latin. »

Mais de quoi donc l’explicateur s’enorgueillit-il ici ? Chrysippe lui-même n’aurait pas le droit de s’enorgueillir, s’il n’arrivait qu’à m’expliquer la volonté de la nature, sans la comprendre lui-même. À combien plus forte raison, celui qui explique Chrysippe ! Car ce n’est pas pour Chrysippe lui-même que nous avons besoin de Chrysippe, mais pour comprendre la nature. Nous n’allons pas trouver le devin pour l’amour de lui-même, mais parce que nous croyons apprendre par lui l’avenir, et ce que présagent les dieux. Ce n’est pas non plus pour l’amour d’elles-mêmes que nous allons regarder les entrailles, mais pour ce qu’elles présagent. Ce n’est ni le corbeau ni la corneille que nous honorons ; c’est le Dieu qui nous avertit par eux. Je vais trouver celui qui explique tout cela, le devin, et je lui dis : « Examine pour moi les entrailles ; que me présagent-elles ? » Il les prend, les ouvre, les interprète, et me répond : « Ô homme, tu as en toi une faculté de juger et de vouloir, dont la nature est de ne pouvoir être entravée ni contrainte ; voilà ce qui est écrit ici, dans ces entrailles. Je te le montrerai d’abord au sujet du jugement. Quelqu’un peut-il t’empêcher d’adhérer à la vérité ? — Personne. — Quelqu’un peut-il te forcer à recevoir pour vrai ce qui est faux ? — Personne. — Vois-tu que sur ce terrain ton libre arbitre est au-dessus de toute entrave, de toute contrainte, de tout empêchement ? Eh bien ! sur le terrain du désir et de la volonté, en est-il autre-