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Laisse-moi donc être dans les mêmes idées. Montre-moi que, par cela seul que l’on conte ses affaires, on est sûr et honnête. Car, en ce cas, je m’en irais partout dire à tout le monde mes secrets, si je devais à ce prix être sûr et honnête. Mais les choses ne vont pas ainsi; et ce qu’il faut pour être tel, ce sont des principes qui ne sont pas les premiers venus. Si donc tu vois quelqu’un s’attacher aux choses qui ne dépendent pas de son libre arbitre, et leur soumettre ce libre arbitre même, sache que cet homme a des milliers d’individus qui peuvent le contraindre ou l’empêcher d’agir. Il n’y a pas besoin d’employer la poix ou la roue pour lui faire dire ce qu’il sait; un signe d’une femme le fera parler au besoin, ou bien les caresses d’un ami de César, le désir d’une charge, d’un héritage, et mille autres choses de cette espèce.

Il faut donc se rappeler, comme règle générale, que les secrets demandent un homme sûr, avec des principes qui le soient aussi. Mais où trouver cela facilement aujourd’hui? Que l’on me montre un homme capable de dire: « Je ne m’inquiète que des choses qui sont à moi, que nul ne peut empêcher, et qui sont libres de leur nature; c’est là qu’est pour moi le bien réel; que les autres arrivent comme elles se trouvent; j’y suis indifférent. »