Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/479

Cette page n’a pas encore été corrigée

mène. C’est là l’image de ce qui nous arrive à tous. Parce qu’un homme s’est confié à moi en toute sûreté, puis-je de même, moi, me confier au premier venu? Si je suis ce que je suis, je me tais, moi, sur ce qu’il m’a dit. Mais lui, il va conter à tout le monde ce que je lui ai dit. Cela fait, si je lui ressemble, je veux me venger, quand j’apprends la chose, et je conte ses affaires; je l’abîme, et il m’abîme. Si je me dis, au contraire, que personne ne peut nuire à un autre, et qu’il n’y a que nos actes propres qui nous nuisent ou qui nous soient utiles, je parviens bien à ne pas faire comme lui, mais ce qui m’est arrivé par suite de mon bavardage, ne m’en est pas moins arrivé.

— Soit! Mais il est contraire à l’équité d’écouter les secrets de son prochain, sans lui faire part à son tour de quoi que ce soit! — O homme, est-ce que je t’ai provoqué à parler? Lorsque tu m’as livré tes secrets, y a-t-il eu convention que tu entendrais les miens à ton tour? Si tu es un bavard, et si tu prends pour des amis tous ceux que tu rencontres, veux-tu que je te ressemble? Quoi donc! si tu as pu sans danger te confier à moi, mais si l’on ne peut sans danger se confier à toi, veux-tu que je tombe dans le piège? C’est comme si j’avais un tonneau bien solide, toi un tonneau percé, que tu vinsses m’apporter ton vin pour le mettre dans mon tonneau, et que tu t’indignasses ensuite de ce que je ne voudrais pas te confier mon vin. Ma raison serait que tu as un tonneau percé. Comment y aurait-il égalité? Tu te livres à un homme sûr, à un homme honnête, qui croit que ses actes seuls peuvent lui être utiles ou nuisibles, et que toutes les choses du