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d’une noble tâche. Puisque de toute façon tu dois mourir, il faut bien que la mort te trouve en train de quelque chose, entrain de labourer, de creuser, de vendre, d’être consul, d’avoir une indigestion ou un cours de ventre. Eh bien! en train de quoi veux-tu que la mort te trouve? Je veux, pour ma part, que ce soit dans une occupation digne d’un homme, dans un acte de bienfaisance, dans un acte utile à tous, dans un acte noble. Si je ne puis être trouvé par elle dans une telle occupation, je veux du moins (car c’est là une chose que nul ne peut em pêcher, et qui m’a été donnée) qu’elle me trouve en train de me corriger moi-même , en train de perfectionner en moi la faculté qui fait emploi des idées, en train de travailler à me délivrer de tout trouble, en train de faire ce que demande chacune de mes relations sociales; et, si j’ai assez de chance pour cela, en train de m’occuper d’une troisième chose, la solidité de mes jugements.

Si la mort me surprend au milieu de tout cela, il me suffit de pouvoir élever mes mains vers Dieu et lui dire: « Les moyens que tu m’avais donnés de comprendre ton gouvernement, et de m’y conformer, je ne les ai pas négligés. Tu n’as pas eu à rougir de moi. Voici l’usage que j’ai fait de mes sensations; voici celui que j’ai fait de mes notions à priori. T’ai-je jamais adressé un reproche? Me suis-je jamais emporté contre les événements? Les ai-je jamais désirés autres? Ai-je manqué à quelqu’un de mes devoirs? Je te remercie de m’avoir fait naître; je te remercie de tes présents; le temps que j’ai eu pour jouir de tes dons me suffit. Reprends-les, et mets-les où tu voudras.