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autre, dit-on encore, est philosophe. » Pourquoi? parce qu’il porte le vieux manteau et les longs cheveux. Mais qu’est-ce que portent les charlatans? Cela suffit pourtant pour que l’ou dise bien vite, si l’on voit quelqu’un d’ainsi vêtu faire une action honteuse, « Vois ce que fait le philosophe; » tandis que l’on devrait bien plutôt, puisqu’il se conduit honteusement, dire qu’il n’est pas philosophe. Le mot du vulgaire serait juste, si le philosophe avait pour définition et pour enseigne de porter le vieux manteau et la longue chevelure; mais, si sa définition est bien plutôt de ne jamais faillir, pourquoi, dès qu’il ne tient pas ce que promet son enseigne, ne pas lui retirer son titre? C’est ce qui arrive, en effet, dans tous les métiers. Que l’on voie quelqu’un manier mal la hache, on ne dit pas: « A quoi sert le métier de charpentier? Voyez comme les charpentiers font mal! » On dit, au contraire: « Un tel n’est pas charpentier; car il manie mal la hache. » De même, quand on entend mal chanter quelqu’un, on ne dit pas: « Voilà comme chantent les musiciens; » mais bien plutôt: « Un tel n’est pas musicien. »

Mais pour la philosophie, et pour elle seule, voici ce que l’on fait: quand on voit quelqu’un agir contrairement à ce que professent les philosophes, on ne lui en retire pas le titre; mais, posant en principe qu’il est philosophe, et, prenant dans les faits eux-mêmes ses actes honteux, on en conclut que la philosophie ne sert à rien. D’où cela vient-il? C’est que nous avons d’avance une idée précise du charpentier, du musicien, et pareillement de tout autre artisan ou artiste, mais du philosophe, non.