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des généralats, des consulats; que les enfants les pillent; qu’ils se fassent renvoyer et frapper; qu’ils baisent la main de celui qui les donne, et jusqu’à celle de ses esclaves; il n’y a là pour moi que des raisins secs et des figues. Que doit-on donc faire? Si tu les manques quand on les jette, ne t’en inquiète pas; si une figue arrive dans ta robe, prends-la et mange-la; il t’est permis de faire assez de cas des figues pour cela. Mais quant à me baisser, quant à faire tomber quelqu’un .ou me faire renverser par lui, quant à flatter ceux qui ont leurs entrées, la figue n’en vaut pas la peine, non plus qu’aucun de ces biens que les philosophes m’ont appris à ne pas regarder comme des biens.

Montre-moi les épées des gardes. — Vois comme elles sont longues et pointues! — Eh bien! que font ces épées si grandes et si pointues? — Elles tuent. — Et la fièvre, que fait-elle? Pas autre chose. Que fait une tuile? Pas autre chose. Veux-tu donc que je m’extasie et me prosterne devant tous ces objets; que je sois leur esclave partout où j’irai? A Dieu ne plaise! Bien loin de là, dès que je sais que ce qui est né doit périr, pour que le monde ne s’arrête pas entravé dans son mouvement, peu m’importe que ce soit la fièvre, une tuile ou un soldat qui me fasse périr. Et même, s’il me fallait choisir, je sais bien que c’est le soldat qui me ferait mourir le plus doucement et le plus vite. Alors donc que je ne crains rien de ce que le tyran peut me faire, et que je ne désire rien de ce qu’il peut me donner, pourquoi m’extasier et me déconcerter devant lui? Pourquoi avoir peur de ses gardes? Pourquoi me réjouir s’il me parle ou m’accueille avec bien-