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rendre tout ce qui n’est pas à toi? Tu ne seras donc qu’un esclave parmi des esclaves, fusses-tu dix mille fois consul. Parviens même au trône, tu ne seras toujours qu’esclave, et tu t’apercevras que les philosophes, suivant le mot de Cléanthe, disent des choses qui sont peut-être contraires à l’opinion, mais non pas contraires à la raison. Les faits t’apprendront qu’ils disent vrai, et que toutes ces choses que l’on admire, et pour lesquelles on se donne tant de peine, ne servent de rien à ceux qui les ont. Quand on ne les a pas encore, l’idée vous vient que, si on les obtenait, on aurait avec elles tous les biens; puis, quand on les a obtenues, on se consume de même, on s’agite de même, on se dégoûte de ce que l’on a, on convoite ce que l’on n’a pas. Car ce n’est pas en satisfaisant ses désirs qu’on se fait libre, mais en se délivrant du désir. Veux-tu savoir que je dis vrai? Donne-toi, pour te délivrer de tes désirs, la même peine que tu te donnais pour les satisfaire. Veille pour acquérir les manières de voir qui doivent te faire libre. Au lieu de t’empresser près d’un vieillard riche, empresse-toi près d’un philosophe. Qu’on te voie à sa porte: tu n’auras pas à rougir d’y être vu; et tu ne le quitteras pas les mains vides et sans profit, si tu vas à lui avec les sentiments qu’il faut. Si tu ne les as pas, essaie du moins; il n’y a pas de honte à essayer.