Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/414

Cette page n’a pas encore été corrigée

parti pour les Enfers? » Vois comme il adoucit l’idée de la mort, et comme il en plaisante. Si nous avions été à sa place, toi et moi, nous aurions prétendu doctoralement tout de suite, qu’il faut se venger de ceux qui vous ont fait du mal en leur rendant la pareille; puis nous aurions ajouté: « Si je me sauve, je serai utile à bien des gens; je ne le serai à personne, si je meurs. » Nous serions sortis par un trou, s’il l’avait fallu pour nous échapper. Mais comment aurions-nous été utiles à personne? Où seraient restés, en effet, ceux à qui nous aurions pu servir? Et, quand même nous aurions pu leur être utiles en vivant, n’aurions-nous pas été bien plus utiles encore à l’humanité en mourant quand il le fallait, et comme il le fallait? Aujourd’hui, que Socrate n’est plus, le souvenir de ce qu’il a dit ou fait avant de mourir, n’est pas moins utile à l’humanité, et l’est même davantage.

Voilà les principes, voilà les paroles qu’il te faut méditer. Voilà les exemples qu’il te faut contempler, si tu veux être libre, si tu le désires comme la chose en vaut la peine. Et qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’une chose de cette importance s’achète si cher et à si haut prix? Pour la prétendue liberté, il y a des gens qui se pendent, et d’autres qui se précipitent de haut sur le sol; il y a même des villes entières qui ont péri pour elle; et, pour avoir la vraie liberté, celle qui est à l’abri de toute embûche et de tout péril, tu refuseras de rendre à Dieu ce qu’il t’a donné, lorsqu’il te le réclame! Refuseras-tu de te préparer, comme le dit Platon, non seulement à mourir, mais encore à être mis en croix, à être. exilé, à être écorché; en un mot, à