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chais-tu pas ce qui était un bien, ce qui était un mal, ce qui n’était ni l’un ni l’autre? — C’était sur cela que je réfléchissais. — Que décidais-tu donc? — Que tout ce qui était juste et honorable était un bien; que tout ce qui était injuste et honteux était un mal. — La vie te paraissait-elle un bien? — Non. — La mort te paraissait-elle un mal? — Non. — Et la prison? — Non plus. — Et que pensions-nous de paroles sans dignité et sans honneur, qui trahissent un ami, ou qui flattent un tyran? — Qu’elles étaient un mal. — Eh bien! tu n’as pas à réfléchir; tu n’as à réfléchir ni à délibérer. Qu’avons-nous, en effet, à nous demander s’il nous convient de nous procurer les plus grands des biens et d’éloigner de nous les plus grands des maux, quand nous le pouvons? O le bel examen! Comme il est nécessaire! Et quelle longue délibération il exige! Pour quoi te moquer de nous? Homme, jamais pareil examen ne se présente. Si tu pensais, comme cela est vrai, que les seuls maux sont les choses honteuses, les seuls biens les choses honorables, et que tout le reste est indifférent, tu n’en serais jamais venu à cette hésitation; tant s’en faut! Surle-champ, tu aurais tout démêlé, comme d’un coup d’œil, par ta seule raison. Réfléchis-tu jamais pour savoir si le noir est blanc? si ce qui est lourd est léger? Ne te rends-tu pas là sur-le-champ à l’évidence? Comment donc nous dis-tu aujourd’hui que tu réfléchiras pour savoir s’il faut fuir ce qui est indifférent plus que ce qui est un mal? C’est que tu n’as pas vraiment ces convictions; c’est que les choses indifférentes ne te paraissent pas indifférentes, mais les plus grands des maux; et que les