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tu pas lu cent fois? Ne l’as-tu pas écrit cent fois aussi? A combien de reprises ne t’es-tu pas vanté d’attendre la mort avec calme?

— « Mais les miens mourront de faim!» — Eh bien! Est-ce que la faim les conduit ailleurs que toi? Est-ce que la descente n’est pas la même pour eux? Est-ce qu’en bas ils ne trouveront pas les mêmes choses? Ne peux-tu donc pas, sans t’effrayer du dénuement et de la disette, fixer un œil calme sur le lieu où doivent descendre les plus riches, les magistrats les plus élevés, les rois et les tyrans eux-mêmes? Peut-être y descendras-tu d’inanition; ils y descendront, eux, crevant d’indigestion et d’ivresse. (Mais ne sera-ce pas toute la différence?) Que de mendiants n’as-tu pas vus arriver à la vieillesse! Combien même à l’extrême vieillesse! Ces gens transis de froid et le jour et la nuit, ces gens qui gisent sur le sol, et qui ne mangent que bien juste leur nécessaire, ces gens-là arrivent presque à ne pouvoir mourir. Ne peux-tu donc pas faire un métier? Ne peux-tu pas être copiste? Etre précepteur? Garder la porte d’autrui? — « Mais c’est une honte, d’en venir à cette extrémité! » — Eh bien! commence par apprendre où est la honte, et alors seulement dis-toi philosophe. Pour le moment, ne permets même pas à un autre de t’appeler de ce nom.

Est-ce que c’est une honte pour toi que ce qui n’est pas ton œuvre, que ce dont tu n’es pas l’auteur, que ce qui t’arrive par hasard, comme le mal de tête, comme la fièvre? Si tes parents étaient pauvres, ou si, riches, ils ont laissé leur héritage à d’autres, ou si encore, de leur vivant, il ne te don-