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lui qui avait tant de bonté, tant d’amour pour l’humanité, qu’il a supporté avec bonheur toutes ces fatigues et toutes ces misères corporelles, pour l’intérêt général des hommes? Mais comment aimait-il? Comme devait aimer un ministre de Jupiter: avec affection pour les gens, mais aussi avec soumission à Dieu. C’est ainsi que (seul), il eut pour patrie toute la terre, et non pas tel pays en particulier. Fait prisonnier, il ne pleura pas Athènes, les gens avec qui il y vivait, les amis qu’il y avait; mais il se mit à vivre avec les pirates eux-mêmes, en essayant de les corriger. Puis, quand il fut vendu, il vécut à Corinthe comme il avait vécu auparavant à Athènes; et, s’il était allé jusque chez les Perrhèbes, il y aurait vécu de même. C’est ainsi qu’on se fait libre. C’est pour cela qu’il disait: « Depuis qu’Antisthène m’a fait libre, je n’ai jamais été esclave. » Et comment Antisthène l’avait-il fait libre? Ecoute-le parler: « Il m’a fait connaître ce qui est à moi et ce qui n’est pas à moi: que parents, proches, amis, réputation, lieux auxquels je suis fait, occupations dont j’ai l’habitude, tout cela n’est pas à moi. Qu’est-ce qui est donc à moi? L’usage des idées. Voilà, comme il me l’a montré, ce qui est libre en moi, ce qui est indépendant, ce qui est au-dessus de toute contrainte possible; ce que nul ne peut forcer à être autrement que je le veux. Qui donc après cela a prise sur moi? Philippe? Alexandre? Perdiccas? Le grand roi? Comment l’auraient-ils? Pour pouvoir être dominé par les hommes, il faut commencer bien auparavant par se laisser dominer par les choses. » Celui dont ne triomphent ni le plaisir, ni la peine, ni la vanité,