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Si la raison le demande, pour ta patrie, pour ta famille, pour l’humanité, pourquoi ne le ferais-tu pas? Tu ne rougis pas de te présenter à la porte d’un cordonnier, lorsque tu as besoin de chaussures, ni à celle d’un jardinier, lorsque tu as besoin de laitues; pourquoi rougirais-tu de te présenter à celle des riches, lorsque tu as quelque besoin analogue? — « Oui, mais je ne m’extasie pas devant le cordonnier. » — Eh bien! ne t’extasie pas devant le riche non plus. — « Je ne vais pas pour flatter le jardinier. » — Ne flatte pas le riche non plus. — « Mais comment alors obtiendrai-je de lui ce que je désire? » — T’ai-je dit d’y aller pour l’obtenir atout prix? Ne t’ai-je pas dit simplement d’y aller pour faire ce que tu dois faire? — « Pourquoi donc m’y présenterai-je alors? » — Pour y aller; pour faire ton devoir de citoyen, ton devoir de frère, ton devoir d’ami. Souviens-toi seulement que c’est chez un cordonnier que tu vas, chez un vendeur de légumes, qui n’a à sa disposition rien de grand ni de respectable, si cher qu’il vende sa marchandise. Tu vas là comme on va vers des laitues. Elles valent une obole, et non pas un talent. Qu’il en soit de même vis-à-vis du riche. Dis-toi: « La chose vaut la peine de se présenter à sa porte. Soit! J’irai. Elle vaut la peine de lui parler. Soitl Je lui parlerai. Mais il faudrait aussi lui baiser la main et le flatter par quelque compliment! Ecartons cela: ça vaudrait un talent. Il n’est utile ni à moi, ni à la ville, ni à mes amis, que le citoyen et l’ami honnêtes périssent en moi.»

— « Mais, si je ne réussis pas, je semblerai n’y