Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/359

Cette page n’a pas encore été corrigée

mers, et par l’effet d’une lettre. Est-ce ainsi que tu es à l’abri de tout? — « Mais si mes amis de là-bas viennent à mourir? » — Eh bien! des mortels seront morts; qu’y aura-t-il autre chose? Voudrais-tu tout à la fois vieillir et ne voir la mort d’aucun de ceux que tu aimes? Ne sais-tu pas que dans un long espace de temps doivent forcément arriver bien des événements de toute espèce? Qu’un tel doit succomber à la fièvre, un tel sous les coups des voleurs, cet autre sous les coups d’un tyran? L’air ambiant, les amis, le froid, le chaud, l’excès de nourriture, les voyages par terre et par mer, les vents, les accidents de toute sorte, sont cause que l’un périt, que l’autre est exilé, que celui-ci nous quitte pour une ambassade, et celui-là pour une expédition militaire. Assieds-toi donc en t’ébahissant de tout, pleure, souffre, sois malheureux, à la merci d’autrui, et non pas d’un ou de deux, mais de mille et de mille encore!

Est-ce là ce que tu as appris des philosophes? Est-ce là ce qu’ils t’ont enseigné? Ne sais-tu pas que la vie est une campagne? Il faut qu’un tel soit de garde, que tel autre s’éloigne en éclaireur, et tel autre pour combattre. Il n’est possible ni bon que tous restent dans le même lieu. Mais toi, peu soucieux d’accomplir les ordres de ton général, tu te mets à l’accuser, quand il t’a commandé quel que chose de difficile, sans songer à ce que tu fais de l’armée dans la mesure de tes forces. Si tous t’imitaient, personne ne creuserait le fossé, personne ne ferait les palissades autour du camp, personne ne veillerait, personne n’affronterait le péril; on ne verrait personne s’acquitter de son service. De