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vent me nuire; » et sur ceci encore: « Je suis de nature à ne m’attacher qu’à une seule chose en moi, à la raison qui, bien considérée, me paraît la meilleure. » Aussi, quelqu’un a-t-il jamais entendu dire à Socrate: « Je sais et j’enseigne? » Loin de là: il avait pour chacun un maître à qui l’adresser. Les gens venaient donc le prier de les présenter à des philosophes; et il les y menait et les recommandait. Est-ce que cela n’est pas vrai? Est-ce qu’il leur disait, en les reconduisant: « Viens m’entendre parler aujourd’hui dans la maison de Codratus? Eh! pourquoi irais-je t’entendre? Veux-tu me montrer que tu sais disposer les mots élégamment? Tu sais les disposer, ô homme! Mais quel bien cela te fait-il? — Applaudis -moi. — Qu’entends-tu par t’applaudir? — Dis-moi: « Ah!» et « C’est merveilleux! » — Eh bien! je le dis. Mais, si les applaudissements doivent porter sur quelque chose que les philosophes placent dans la catégorie du bien, qu’est-ce que j’ai à applaudir en toi? Si. c’est une bonne chose que de bien parler, prouve-le moi, et je t’applaudirai.

Quoi donc! serait-ce qu’il doit m’être désagréable d’entendre bien parler? A Dieu ne plaise! Il ne m’est pas désagréable non plus d’entendre jouer de la lyre; mais est-ce une raison pour que je doive me tenir là debout à jouer de la lyre? Ecoute ce que dit Socrate: « Hommes, il ne convient pas à mon âge de me présenter devant vous en arrangeant mes discours, comme le fait un jeune homme. » Il dit: « comme le fait un jeune homme. » C’est qu’en réalité, c’est une jolie chose que de savoir choisir et disposer ses mots, que de savoir