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On est si habitué, par exemple, à ranger les Stoïciens parmi les Sensualistes, que l’on s’étonnera de nous voir parler chez eux de notions à priori, comme s’il s’agissait de véritables Cartésiens. Mais, outre ce qu’il y a d'étrange à ranger parmi les Sensualistes des gens qui ont proclamé plus haut que personne la notion du devoir et la supériorité de la raison sur les sens, comment traduire autrement les αἱ φύσικαι προλήψεις, ces notions naturelles et générales, antérieures à l’expérience, et que le talent du Sage est précisément d’appliquer, comme il faut, aux objets particuliers qu’elle nous fait connaître ? Les expliquer par l’expérience d’une vie antérieure, comme l’a fait M. Ravaisson dans son Essai sur le Stoïcisme, si remarquable d’ailleurs, c’est se contenter à bien peu de frais; car toute la question est de savoir si elles sont ou non ici-bas des données de nos sens. Si elles n’en sont pas, qu’importe la façon dont nous les avons acquises dans une vie antérieure! Du reste, les φύσικαι προλήψεις nous semblent avoir plus d’analogie avec ce que Kant appelle les formes de l’intelligence, qu’avec la réminiscence de Platon.

Là s’arrête ce que nous avions à dire et du livre lui-même, et de notre façon de le traduire. Nous n’avons