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« Si les Dieux le veulent ainsi , qu’il en soit fait ainsi. »

Pourquoi n’aurait-il pas le courage de parler librement à ses frères, à ses enfants, à sa famille, en un mot? Aussi n’est-il ni un curieux, ni un indiscret, quand il agit ainsi; car ce n’est pas de sa part s’occuper indiscrètement dès affaires d’autrui, que d’inspecter l’humanité, c’est s’occuper de ses propres affaires. Autrement, il faudrait dire que le général, lui aussi, est un indiscret, quand il inspecte ses soldats, les examine, les surveille, et punit ceux qui ne font pas bien. Mais, si tu te mettais à gourmander les autres, en ayant une friandise cachée sous ton manteau, je te dirais: « Va-t’en plutôt dans un coin dévorer ce que tu as volé! Que t’occupes-tu des affaires d’autrui? Qui es-tu, en effet? Es-tu le taureau? Es-tu la reine des abeilles? Montre-moi les insignes de ta supériorité, comme ceux que la reine tient de la nature. Si tu n’es qu’un frelon, et que tu oses réclamer la royauté parmi les abeilles, crois-tu que tes concitoyens ne te chasseront pas, comme les abeilles chassent les frelons? »

Il faut, en effet, que le Cynique ait assez de patience pour que le vulgaire le croie insensible et de pierre. Personne ne peut l’insulter, le frapper, l’outrager. Il livre lui-même son corps à qui le veut, pour en faire ce qui lui plaît. Il sait, en effet, que le plus faible doit être infailliblement vaincu par le plus fort, dans le genre de lutte où il est le plus faible; or, son corps est plus faible que la multitude, et ce qui est moins robuste, plus faible que ce qui est plus vigoureux. Il ne s’abaisse donc jamais