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Rien. — « Et qui peut vous forcer à adhérer à une erreur manifeste? » — Personne. — « Qui peut vous contraindre à ne pas adhérer à la vérité qui se montre à vous? » — Personne. — « Vous voyez donc bien par là qu’il y a en vous quelque chose qui est naturellement indépendant. Et qui de vous peut désirer ou craindre, vouloir une chose ou la repousser, préparer ou entreprendre quoi que ce soit, s’il ne se l’est pas représenté d’abord comme un profit ou comme un devoir? » — Personne. — « Vous avez donc là encore quelque chose d’indépendant et de libre. Malheureux! c’est là ce qu’il vous faut travailler et soigner, c’est là qu’il vous faut chercher le bien. »

— Et comment peut-on vivre heureux, quand on ne possède rien, quand on est nu, sans maison, sans foyer, négligé, sans esclave, sans patrie? — « Eh bienl Dieu vous a envoyé quelqu’un pour vous montrer par des faits que cela est possible. Regardez-moi: je suis sans patrie, sans maison, sans fortune, sans exclave; je couche sur la terre; je n’ai ni femme, ni enfant, ni tente de général; je n’ai que la terre, le ciel et un manteau. Et que me manque-t-il? Ne suis-je pas sans chagrin et sans crainte? Ne suis-je pas indépendant? Qui de vous m’a jamais vu frustré dans mes désirs, ou tombant dans ce que je voulais éviter? Quand ai-je accusé les dieux ou les hommes? A qui ai-je fait des reproches? Quelqu’un de vous m’a-t-il jamais vu triste? De quel air vais-je au-devant de ces gens qui vous effraient et vous en imposent? N’est-ce pas comme au-devant d’esclaves?