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partout la conviction est forte, partout la conviction est invincible. Jusqu’au moment donc où tous ces beaux principes seront profondément gravés en vous, et où vous serez devenus assez forts pour n’avoir rien à craindre, je vous conseille d’y regarder à deux fois avant de descendre au milieu des hommes ordinaires; autrement, tout ce que dans l’école vous aurez écrit en vous, s’y fondra jour à jour comme la cire au soleil. Tenez-vous donc bien loin du soleil, tant que vos principes seront de cire. C’est pour cela encore que les philosophes nous conseillent de quitter notre patrie, parce que les vieilles habitudes nous entraînent, et ne nous permettent pas de prendre d’autres plis; parce que aussi nous ne savons pas résister à ceux qui disent, en nous rencontrant: « Regarde donc! Un tel est philosophe, lui qui était ceci et cela! » C’est ainsi encore que les médecins envoient dans un autre pays, et sous un autre ciel, ceux qui sont malades depuis longtemps; et ils ont raison! Vous aussi, inoculez-vous d’autres mœurs, gravez profondément en vous les principes, exercez-vous à les appliquer. Ce n’est pas là ce que vous faites: vous allez d’ici au spectacle, aux combats de gladiateurs, aux galeries des athlètes, au cirque; puis de là ici, et d’ici là, toujours de même. Point de noble habitude en vous, point d’application, point de sévérité pour vous-mêmes, point d’attention à vous dire: « Quel usage fais-je des objets qui se présentent à mes sens? Est-il conforme à la nature, ou lui est-il contraire? Comment suis-je vis-à-vis d’eux? Comme je dois être, ou comme je ne dois pas être? Dis-je bien aux choses qui ne