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chose pour s’exercer, il va à tout propos dire à tout le monde: Je bois de l’eau. « Bois-tu donc de l’eau à la seule fin d’en boire? O homme! si c’est ton bien d’en boire, bois-en; mais si ce n’est pas ton bien, tu es ridicule. Si c’est ton bien, et que tu en boives, n’en parle pas devant ceux qui n’aiment point qu’on fasse autrement qu’eux. Veux-tu leur plaire par là? »

Parmi les choses que l’on fait, il en est que l’on fait par principes, d’autres que l’on fait par circonstances, d’autres par calcul, d’autres par déférence, d’autres par parti pris.

Il est deux choses qu’il faut enlever à l’homme, la présomption et la défiance de soi-même. La présomption consiste à croire qu’on n’a besoin de quoi que ce soit; la défiance de soi-même, à se dire qu’on ne peut arriver à être heureux dans un pareil milieu. On détruit la présomption en la confondant; et c’est ce que Socrate commence par faire. Quant à la possibilité d’être heureux, regarde et cherche. C’est une recherche qui ne te fera pas de mal; et même, presque toute la philosophie consiste à chercher les moyens de n’être pas entravé dans ce qu’on désire et dans ce qu’on veut éviter.

L’un dit: « Je suis au-dessus de toi, car mon père est un consulaire. » Un autre: « J’ai été tribun, et tu ne l’as pas été. » Si nous étions des chevaux, dirais-tu donc: « Mon père était plus léger? » Dirais-tu: « J’ai beaucoup d’orge et de foin, » ou bien: « J’ai de beaux harnais? » Et si je te disais, quand tu parlerais ainsi: « Soit! mais courons! » Eh bien! n’y a-t-il rien qui soit pour l’homme ce