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danser sur la corde, à y élever en l’air une branche de palmier, à y tenir embrassées des statues? Pas le moins du monde. Tout ce qui est difficile et périlleux n’est pas un bon objet d’exercice; il n’y a de tel que ce qui nous conduit au but qui est proposé à nos efforts. Quel est donc le but proposé à nos efforts? De n’être jamais entravé dans ce que l’on désire ou cherche à éviter. Et qu’est-ce que n’y être pas entravé? C’est ne jamais manquer ce qu’on désire, ne jamais tomber dans ce qu’on veut éviter. C’est là le seul but en vue duquel nous devions nous exercer. Car, sache-le, comme ce n’est que par un exercice sérieux et soutenu qu’on peut arriver à ne jamais manquer ce qu’on désire, à ne jamais tomber dans ce qu’on veut éviter, tu ne saurais, si tu te laisses aller à t’exercer à des choses extérieures qui ne relèvent pas de ton libre arbitre, arriver à ne jamais manquer ce que tu dé sires, âne jamais tomber dans ce que tu veux éviter. Et, comme la force de l’habitude est souveraine, et que ce n’est qu’aux choses du dehors que nous sommes habitués à appliquer notre puissance de désirer ou de fuir, il nous faut donc opposer à cette habitude une habitude contraire, opposer l’exercice le plus soutenu là où la séduction des apparences sensibles est la plus grande.

Je penche vers la volupté: je vais me jeter du côté contraire, et cela avec excès, afin de m’exercer. J’ai le travail en aversion: je vais habituer et accoutumer ma pensée à n’avoir plus jamais d’aversion pour lui et ce qui lui ressemble. Qu’est-ce, en effet, que s’exercer? C’est s’appliquer à ne jamais rien désirer, et à n’avoir d’aversion que pour