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c’est l’art). Eh bien! La chair est la matière de la main, et ce qu’il y a d’essentiel, c’est ce que fait la main. Par suite donc, il y a pour nous vis-à-vis des objets trois sortes de convenances, les unes relatives à leur substance, les autres aux qualités de cette substance; puis celles enfin qui sont les essentielles. De même, dans l’homme aussi, ce n’est pas à la matière, c’est-à-dire à la chair, qu’il faut attacher du prix, mais à ce qu’il y a d’essentiel. Et qu’est-ce qui est essentiel? Gouverner, se marier, avoir des enfants, honorer Dieu, prendre soin de ses parents; bref, désirer ou éviter, se porter vers les choses ou les repousser, comme il convient de le faire dans chaque cas, conformément à notre nature. Et quelle est notre nature? D’être libres, nobles et honnêtes. Est-il en effet un autre être animé qui rougisse? En est-il un autre qui ait l’idée de la honte? Quant au plaisir, il faut le subordonner à tout cela, comme un serviteur, et comme un aide, qui doit évoquer en nous la bonne volonté, et faire que nous nous renfermions dans les actes conformes à la nature.

— Mais je suis riche, dis-tu, et je n’ai besoin de rien! — Pourquoi donc te donnes-tu encore des airs de philosophe? Tu as assez de tes vases d’or et d’argent! Qu’as-tu besoin de principes? — Mais je suis aussi le juge des Grecs! — Sais-tu juger? Qui t’a fait le savoir? — César a signé mon brevet!

— Qu’il t’en signe un, pour juger la musique, qu’y gagneras-tu? Après tout, comment es-tu devenu juge? De qui as-tu baisé la main? de Symphorus ou de Numénius? Aux pieds du lit de qui t’es-tu