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qui pleure, nous disons: « Il est perdu! » Si nous apercevons un consul, nous disons: « L’heureux »homme! » un exilé, « Le malheureux! » un pauvre, « L’infortuné! Il n’a pas de quoi manger! » Ce sont là de faux jugements qu’il faut retrancher de notre esprit, et c’est une chose qui demande tous nos efforts. Qu’est-ce en effet que crier et gémir? Une manière devoir. Qu’est-ce que le malheur? Une manière de voir. Qu’est-ce que les révoltes, les désaccords, les reproches, les récriminations, les blasphêmes, les paroles inutiles? Il n’y a dans tout cela que des manières de voir, et rien autre: des façons de juger les choses qui ne relèvent pas de notre libre arbitre, en les tenant pour bonnes ou pour mauvaises. Que quelqu’un ne tienne pour telles que les choses qui relèvent de son libre arbitre, et je lui garantis un bonheur constant, quoi qu’il se passe autour de lui.

L’âme est comme un bassin plein d’eau, et les idées sont comme les rayons qui tombent sur cette eau. Lorsque l’eau est en mouvement, il semble que les rayons aussi soient en mouvement, quoiqu’ils n’y soient réellement pas. De même, quand une âme est prise de vertige, ce n’est ni dans ses connaissances ni dans ses talents qu’est le trouble, mais dans l’esprit même qui les a en lui. Qu’il reprenne son assiette, ils reprendront la leur.