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branlable dans tes opinions? Malheureux que tu es! C’est en tremblant que tu apprends toutes ces belles choses, en mourant de peur d’être méprisé, et en t’informant si on ne parle pas de toi. Si quelqu’un vient te dire: « Comme on demandait quel était le plus grand philosophe, une personne présente a dit: le seul philosop’he, c’est un tel! » ta petite âme, qui était de la taille d’un doigt, grandit de deux coudées. Mais, si quelqu’un de ceux qui étaient là a répondu: « Tu parles en l’air; un tel ne vaut pas la peine qu’on l’entende! Que sait-il, en effet? Il en est aux premiers éléments, et rien de plus! » te voici hors de toi, sans couleur, et tu t’écries aussitôt: « Je lui montrerai qui je suis, et que je suis un grand philosophe! » Cela se voit rien que par là. Quelle autre démonstration veux-tu en donner? Diogène (ne le sais-tu pas?) montrait un jour un sophiste, en étendant le doigt du milieu. Celui-ci s’en fâcha. « Voilà ce qu’est un tel! » dit le philosophe; « Je vous l’ai montré. » C’est, qu’en effet, ce n’est pas avec le doigt que se montre un homme, comme une pierre ou un morceau de bois; mais montrez ses opinions, et alors en lui vous aurez montré l’homme.

Voyons tes opinions à toi aussi. N’est-il pas évident que tu comptes pour rien ta faculté de juger et de vouloir, que tes yeux se tournent hors de toi sur ce qui ne dépend pas de toi, sur ce que dira un tel, sur ce qu’il pensera de toi? Te trouve-t-il savant? Croit-il que tu as lu Chrysippe et Antipater? Car s’il va jusqu’à Archédémus, te voilà au comble du bonheur! Pourquoi meurs-tu encore de peur de ne pas nous montrer ce que tu es? Veux-tu que je te dise