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certaine mesure, si je te le dis? Puis me servirai-je avec toi de démonstrations? Et comment le ferai-je? Car te rends-tu au moins compte de ce que c’est qu’une démonstration, de la manière dont elle se fait, des moyens qu’elle emploie, des cas où il y a semblant de démonstration, sans démonstration réelle? Sais-tu, en effet, ce que c’est que la vérité, ce que c’est que l’erreur, ce que c’est que conséquence, opposition, désaccord, contradiction? Puis te pousserai-je vers la philosophie? Comment le ferai-je? En te montrant les oppositions et les divergences de la plupart des hommes sur le bien et le mal, l’utile et le nuisible? Mais tu ne sais même pas ce que c’est qu’opposition! Montre-moi donc ce à quoi je puis arriver en causant avec toi. Donne-moi le désir de le faire. Que la brebis aperçoive une herbe qui lui convient, cela lui donne l’envie d’en manger; mais place auprès d’elle une pierre ou du pain, elle y sera indifférente. Il y a de même en nous une certaine propension naturelle à parler, quand celui qui doit nous entendre nous fait l’effet de quelqu’un, quand il a en lui-même quelque chose qui nous y invite; mais, quand il n’est là près de nous que comme une pierre ou comme une botte de foin, quelle envie peut-il donner à un homme? Est-ce que la vigne dit à l’ouvrier des champs, « Cultive-moi? » Non; mais, rien qu’à la voir, il est clair que celui qui la cultivera s’en trouvera bien; et elle invite ainsi d’elle-même à la cultiver. Un petit enfant, charmant et vif, ne vous donne-t-il pas l’envie de jouer avec lui, de marcher avec lui sur les mains, de balbutier avec lui? Mais qui a jamais l’idée de jouer