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Et ne peut-on pas, parmi eux aussi, trouver des gens qui profitent, et des gens qui pâtissent ? — Oui, parmi eux aussi. — Eh bien ! là aussi tous ceux qui écoutent en s’y connaissant ne sont-ils pas ceux qui profitent, tandis que tous ceux qui écoutent en ne s’y connaissant point, pâtissent ? — D’accord. — N’y a-t-il pas alors un art d’écouter, comme il y a un art de parler ? — Il semble que oui. — Si tu le veux bien, pense encore à ceci. A qui appartient-il, suivant toi, de faire de la musique ? — Au musicien. — Faire une statue comme elle doit être faite, à qui crois-tu encore que cela appartienne ? — Au statuaire. — Et pour la regarder en connaisseur, crois-tu qu’il n’y ait besoin d’aucune science ? — Il y en a besoin. — Eh bien ! s’il faut un homme exercé pour parler comme on le doit, ne vois-tu pas qu’il faut aussi un homme exercé pour écouter avec profit ? Ne parlons pour le moment, si tu le veux, ni de perfection ni de profit complet, car tous les deux nous sommes à grande distance de quoique ce soit de ce genre. Mais voici, ce me semble, une chose que tout le monde m’accordera : c’est que, pour écouter un philosophe, on a besoin de quel que préparation. N’est-ce pas vrai ?

De quoi donc te parlerai-je ? Sur quel sujet peux-tu m’écouter ? Sur le bien et le mal ? Mais de qui ? Du cheval ? — Non. — Du bœuf ? — Non. — De qui donc ? De l’homme ? — Oui. — Savons-nous donc ce que c’est que l’homme, quelle est sa nature, quelle est son intelligence ? Avons-nous les oreilles familiarisées avec cette question, au moins dans une certaine mesure ? Comprends-tu ce que c’est que la nature ? Ou pourras-tu me suivre dans une