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cultés? A Dieu ne plaise! Dit-on que le talent de la parole est sans utilité et sans profit? A Dieu ne plaise! Ce serait une folie, une impiété, une ingratitude envers Dieul Seulement, on n’accorde à chaque chose que sa valeur vraie. L’âne, en effet, a son utilité, mais moins grande que celle du bœuf; le chien aussi a son utilité, mais moins grande que celle du serviteur; le serviteur aussi a la sienne, mais moins grande que celle des citoyens; ceux-ci; à leur tour, ont la leur, mais moins grande que celle des magistrats. Et cependant, parce que les uns sont supérieurs aux autres, ce n’est pas une raison pour faire fi des services que rendent les autres. Le talent de la parole a, lui aussi, son importance, quoiqu’elle soit inférieure à celle de notre faculté de juger et de vouloir. Lors donc que je parle ainsi, il ne faut pas croire que je vous demande de ne pas soigner votre langage; pas plus que je ne vous demande de ne pas soigner vos yeux, vos oreilles, vos mains, vos pieds, vos habits, vos chaussures. Seulement, si vous me demandez ce qu’il y a de meilleur dans le monde, que vous nommerai-je? L’art de la parole? Je ne le puis; mais notre faculté de juger et de vouloir, quand elle est dans la droite voie. C’est elle, en effet, qui a la direction de l’autre, ainsi que de toutes nos facultés, grandes ou petites. Quand elle est entrée dans la droite voie, celui qui n’était pas homme de bien, le devient; quand elle s’en écarte, l’homme devient pervers. C’est par elle que nous sommes heureux ou malheureux, par elle que nous accusons les autres ou que nous en sommes contents; en un mot, c’est elle qui fait notre malheur, quand on la