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duits et ensorcelés par les Stoïciens au point de s’endormir, et de se laisser tondre et traire par toi et par tes semblables? Qu’as-tu besoin de dire à tes disciples ce que tu leur dis, au lieu de le leur cacher? Ne devrais-tu pas bien plutôt leur persuader avant tout, que nous sommes nés pour la société, et qu’il est bon d’être modéré, pour qu’on te gardât tout? Ou bien serait-ce qu’il y a des gens avec lesquels il faut maintenir la société, et d’autres avec lesquels il ne le faut pas? Quels sont donc ceux avec lesquels il faut la maintenir? Ceux qui tendent à la maintenir de leur côté, ou ceux qui lui font violence? Et qu’est-ce qui lui fait plus violence que vous, avec de pareilles doctrines?

Qu’était-ce donc qui arrachait Epicure au sommeil, et le forçait à écrire ce qu’il écrivait? Qu’était-ce, si ce n’est ce qu’il y a de plus fort dans l’homme, la nature, qui le tirait du côté où elle voulait, malgré sa résistance et ses soupirs? « L’homme ne te paraît pas fait pour la société! Eh bien! écris-le, et transmets-le aux autres; veille à cet effet, et donne toi-même par tes actes un démenti à tes théories!... » Et, après cela, nous dirons qu’Oreste était poursuivi par des Furies qui l’arrachaient à son sommeil, et nous ne dirons pas que des Furies et des divinités vengeresses, autrement terribles, réveillaient Epicure, quand il dormait, ne lui permettaient pas de reposer, et le forçaient à révéler lui-même ses misères, comme la colère et l’ivresse font pour les Gaulois! Voilà la force invincible de la nature humaine. Est-ce que la vigne peut croître selon les lois, non de la vigne, mais de l’olivier? Et l’olivier, suivant les