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bien loin et dans des choses qui n’ont avec elles aucun rapport de nature ; et là où nous voyons maintenant le désordre et le chaos, parce que nous les y mettons nous-mêmes, l’ordre le plus évident nous apparaîtra. Demandons à la bienveillance de nous donner le calme de l’âme et l’affection de ceux qui nous entourent ; demandons à l’activité, unie à la prudence, de nous faire faire notre fortune ; ne disons pas : Il faut que je sois riche, parce que je suis bon ; et ne crions pas au renversement de tout ordre et de toute justice, parce que cet homme actif et prudent, qui a fait fortune, se trouve être en même temps un fils ingrat, ou un cœur sans pitié. Il n’aura ni des amis, ni le calme du cœur, parce qu’il n’a pas ce qui engendre naturellement les amis et le calme du cœur ; mais il aura fait fortune, parce qu’il avait ce qui naturellement doit engendrer la fortune. Exigerions-nous que de deux coureurs ce fût le plus vertueux qui arrivât le premier, et non le plus agile ?


Que si, malgré tout cela, il vous paraît encore y avoir quelque lacune dans la répartition de la justice ici-bas, et dans le lot de chacun eu égard à ses actes, les Stoïciens gardent en réserve les lois et le bien général de l’ensemble, dont l’humanité est une partie, et aux intérêts duquel, par conséquent, ses intérêts ont dû être subordonnés. Nous subissons les lois de la création dans laquelle nous sommes compris ; nous vivons sous les con-