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et plus fatigant qu’on ne l’est à cette heure. Car, toi, qu’as-tu gagné à le lire? Quelle conviction t’es-tu faite à propos de cette question? Aucune; mais tu nous parleras d’Hélène et de Priam, et de l’île de Calypso, qui n’a jamais été et qui ne sera jamais.

Ici il n’y a pas grand mal à ne savoir que l’histoire, sans s’être fait une conviction à soi; mais la même chose nous arrive dans les questions de morale, bien plus encore que dans ces questions-ci. « Parle-moi des biens et des maux, » (disons-nous à quelqu’un.) « Ecoute (répond-il): En venant d’Ilion, le vent, qui me poussait, m’a conduit chez les Cicônes. Parmi les choses, les unes sont bonnes, les autres mauvaises, les autres indifférentes. Les bonnes sont les vertus et tout ce qui s’y rattache; les mauvaises sont les vices et tout ce qui se rattache au vice; les indifférentes, qui sont entre les deux, sont la richesse, la santé, la vie, la mort, le plaisir, la peine. — Et comment le sais-tu? — C’est Hellanicus qui le dit dans les Egyptiaques. » Mais qu’importe de répondre cela, ou de répondre que c’est Diogène dans son Ethique, ou bien Chrysippe, ou bien Cléanthe! As-tu examiné à fond quelqu’une de leurs pensées, et t’es-tu fait une conviction à son endroit? Montre-moi comment tu as l’habitude de te comporter sur un bâtiment pendant une tempête. Rappelle-toi ces distinctions, lorsque le vent mugit dans les voiles, et lorsque, pendant que tu cries, un malencontreux, qui est de loisir, s’approche, et te dit: « De par tous les dieux! dis-moi maintenant ce que tu disais hier: Est-ce que le naufrage est un