Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/221

Cette page n’a pas encore été corrigée

mais il te suffira de te retirer dans la société de quelqu’un des sages, et de rester avec lui en te comparant à lui; qu’il soit un de ceux qui vivent, ou un de ceux qui sont morts. Va vers Socrate, vois-le, couché près d’Alcibiade, triompher de sa beauté en se jouant; songe quelle grande victoire, quelle victoire olympique, il eût alors conscience d’avoir remportée. Fut-il en ce moment beaucoup au-dessous d’Hercule? De par tous les dieux! on put, à bon droit, le saluer de ces paroles: « Salut, ô l’homme incroyable! Ceux que tu as vaincus, ce ne sont pas ces misérables histrions ou héros du Pancrace, ni ces gens bons à une seule lutte qui sont de la même famille que les autres! » Si tu te représentes tout cela, tu triompheras de l’apparition, et tu ne seras pas entraîné par elle. Commence par résister à son impression trop vive, et dis: « Attends-moi un peu, idée; laisse-moi voir qui tu es et sur quoi tu portes. Laisse-moi te juger. » Puis ne la laisse pas faire de progrès, et retrace à ton imagination tout ce qui la suit; si non, elle va t’entraîner partout où elle voudra. Appelle bien plutôt à sa place quelque autre idée honnête et noble, et chasse ainsi l’image impure. Si tu t’habitues à ce genre de lutte, tu verras ce que deviendront tes épaules, tes tendons et tes muscles; mais pour aujourd’hui, ils n’existent qu’en parole, et rien de plus.

Voilà le véritable lutteur: c’est celui qui s’exerce à combattre ces idées. Résiste, ô malheureux! ne te laisse pas entraîner! Importante est la lutte, et elle est le fait d’un Dieu: il s’agit de la royauté, de la liberté, de la vie heureuse et calme. Souviens-toi