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tude et quelque disposition, ne les fassent point naître, si elles n’existent pas avant, et ne les développent point, ne les fortifient point, dans l’autre cas.

C’est certainement ainsi, au dire des philosophes, que se forment jour à jour nos maladies morales. Convoitez une fois de l’argent, et qu’il vous arrive ensuite un raisonnement qui vous fasse sentir votre mal, votre convoitise cesse, et votre partie maîtresse est rétablie dans son premier état; mais que rien ne vienne la guérir, elle ne redeviendra pas ce qu’elle était; bien loin de là, qu’une apparition du même genre l’excite une seconde fois, et la convoitise s’allumera en elle bien plus vite que la première. Que ceci se reproduise d’une manière suivie, le calus se forme à jamais, et la cupidité de vient en nous une maladie durable. Celui qui a eu la fièvre, et qui a cessé de l’avoir, n’est pas dans le même état qu’avant de l’avoir eue, à moins qu’il n’ait été guéri complètement. La même chose arrive pour les maladies de l’âme. Elles y laissent des traces, des meurtrissures, qu’il faut faire disparaître complètement; si non, pour peu qu’on reçoive encore quelque coup à la même place, ce ne sont plus des meurtrissures, ce sont des plaies qui se produisent. Si donc tu ne veux pas être enclin à la colère, n’en entretiens pas en toi l’habitude; ne lui donne rien pour l’alimenter. Calme ta première fureur, puis compte les jours où tu ne te seras pas emporté. « J’avais l’habitude de m’emporter tous les jours, diras-tu; maintenant c’est un jour sur deux, puis ce sera un sur trois, et après cela un sur quatre. » Si tu passes ainsi trente jours, fais