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eau projet, malheureux que tu es! Et quel profit tireras-tu de là? C’est en pleurant que tu liras tout, c’est en tremblant que tu t’adresseras aux autres. N’est-ce pas là ce que vous faites tous? « Frère, dites-vous, veux-tu que je te fasse une lecture, et que tu m’en fasses une? O mon ami, tu écris merveilleusement! Quel style grandiose vous avez tous, toi à la manière de Xénophon, toi à la manière de Platon, toi à la manière d’Antisthènes! » Puis, après avoir échangé ces phrases en l’air, vous retombez dans les mêmes fautes: mêmes désirs, mêmes craintes, mêmes volontés, mêmes efforts, mêmes buts, mêmes souhaits, mêmes ardeurs. Puis, loin de chercher qui vous rappelle au bien, vous vous fâchez lorsque l’on vous donne ces avis. « Quel cœur dur que ce vieillard! dites-vous. Il m’a laissé partir sans pleurer, sans me dire: A quels périls tu vas t’exposer, ô mon fils! Si tu y échappes, j’allumerai mes flambeaux. » Comme ce serait là, en effet, le langage d’un cœur aimant! Ce serait un si grand bien pour toi d’échapper au péril! Voilà qui vaudrait tant la peine d’allumer ses flambleaux! Tu dois si bien être à l’abri de la mort et de la maladie!

Il nous faut donc rejeter bien loin cette illusion dont je parle, ne plus croire que nous apprenons là quelque chose d’utile, et nous attacher à la vraie science, comme nous nous attachons à la géométrie et à la musique. Si non, nous serons toujours à mille lieues du progrès, alors même que nous aurions lu toutes les introductions et tous les traités de Chrysippe, avec ceux d’Antipater et d’Archédémus.