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veut être loué par les assistants. Or, il a étudié pour être en état de prononcer son discours, mais au sujet de la louange et du blâme, il n’a rien étudié. De qui a-t-il appris ce que c’est que la louange, ce que c’est que le blâme, quelle est la nature de l’un et de l’autre, quelles sont les louanges qu’il faut rechercher, quel est le blâme qu’il faut fuir ? Quand s’est-il adonné au genre d’étude qui répond à toutes ces questions ? Pourquoi donc t’étonner qu’il soit supérieur aux autres dans les choses qu’il a apprises, et que dans celles qu’il n’a pas étudiées il soit ce qu’est le vulgaire ?

C’est ainsi que le joueur de harpe qui sait jouer de la harpe, qui chante bien, et qui a une belle tunique, ne se présente pourtant qu’en tremblant. C’est qu’il sait son métier, mais qu’il ne sait pas ce que c’est que la foule, ce que sont ses clameurs, ce que sont ses moqueries. Il ne sait même pas ce que c’est que l’inquiétude ; si elle est l’œuvre d’autrui ou la nôtre ; si on peut ou non la faire cesser. Aussi, qu’on l’applaudisse, et il sort gonflé d’orgueil ; mais, que l’on se moque de lui, c’est un ballon que l’on pique et qui s’aplatit.

Il en est à peu près de même de nous. De quoi faisons-nous cas ? Des choses extérieures. À quoi nous attachons-nous ? Aux choses extérieures. Pouvons-nous bien nous demander après cela d’où viennent nos craintes et nos tourments ? Que peut-il arriver, en effet, quand nous regardons comme des maux ce qui se prépare pour nous ? Est-ce qu’alors il nous est possible de ne pas craindre ; possible de ne pas nous tourmenter ? « Seigneur Dieu, disons-nous après cela, faites que je n’aie point de tour-