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CHAPITRE XV




Sur les gens qui persistent obstinément dans ce qu’ils ont décidé.

Il est des gens qui, pour avoir entendu dire qu’il faut être ferme, que notre faculté de juger et de vouloir est de sa nature indépendante et libre, que tout le reste, pouvant être entravé ou contraint, est esclave et ne nous appartient pas, s’imaginent qu’ils doivent persister obstinément dans toutes les décisions qu’ils ont pu prendre. Mais, avant tout, il faut que ta décision soit saine. Je veux que ton corps ait de la force, mais une force due à la santé et au travail. Si la force que tu m’étales est celle de la frénésie, et si tu t’en vantes, je te dirai: « Mon ami, cherche un médecin ; ce n’est pas là de la force, mais un manque de force à un autre point de vue. » Tel est au moral l’état de ceux qui comprennent mal les préceptes dont nous parlions. C’est ainsi qu’un de mes amis résolut, sans aucun motif, de se laisser mourir de faim. Je l’appris, quand il y avait déjà trois jours qu’il s’abstenait de manger ; j’allai le trouver, et lui demandai ce qu’il y avait. « Je l’ai résolu, » me dit-il. — Mais quel est le motif qui t’y a poussé ? Car, si ta résolution est raisonnable, nous allons nous asseoir près de toi, et t’aider à sortir de cette vie ; mais, si elle est déraisonnable