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mais jamais notre dedans ne peut nous inquiéter. — Quoi ! ne m’inquiéterai-je pas de tomber dans l’erreur ? — Non ; car il dépend de moi de n’y pas tomber. — De tendre vers un but contraire à la nature ? — Pas de cela non plus. Lors donc que tu vois un homme au visage fatigué, sois comme le médecin, qui dit d’après le teint : « Un tel est malade de la rate, et un tel du foie. » Dis, toi aussi : « Le désir et l’aversion sont malades chez lui ; ils ne vont pas bien ; ils sont en feu. » Il n’y a jamais que cela en effet qui nous fasse changer de couleur, trembler, claquer des dents ; il n’y a que cela

« Qui fasse que les genoux nous manquent, et que nous nous affaissions sur nos deux jambes. »

Aussi Zénon était-il tranquille, au moment de se trouver en présence d’Antigone ; parce que pas une des choses dont il faisait cas ne dépendait de ce dernier, et que tout ce qui dépendait de ce dernier lui était indifférent. Antigone, au contraire, n’était pas tranquille ; au moment de se trouver en présence de Zénon ; et ce n’était pas sans motif, car il désirait son approbation, chose dont il n’était pas le maître. Quant à Zénon, il ne désirait pas l’approbation d’Antigone : un maître ès-arts ne désire jamais l’approbation d’un ignorant.

« Je désire ton approbation. » — Et par quoi veux-tu l’obtenir ? Est-ce que tu connais les mesures au moyen desquelles un homme juge un autre homme ? T’es-tu occupé de connaître ce que c’est qu’un homme de bien, ce que c’est qu’un méchant, et comment on devient l’un et l’autre ? Pourquoi alors n’es-tu pas toi aussi un homme de bien ?