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l’éternité ; tandis que les œuvres de Dieu ont le mouvement, la vie, l’usage des idées et le jugement. Quand tu es la création d’un pareil artisan, voudras-tu le déshonorer ? Mais que dis-je ? Il ne s’est pas borné à te créer ; il t’a confié à toi-même, remis en garde à toi-même ? Ne te le rappelleras-tu pas ? Et souilleras-tu ce qu’il t’a confié ? Si Dieu avait remis un orphelin à ta garde, est-ce que tu le négligerais ainsi ? Il t’a commis toi-même à toi-même, et il t’a dit : « Je n’ai personne à qui je me fie plus qu’à toi : garde-moi cet homme tel qu’il est né, honnête, sûr, à l’âme haute, au-dessus de la crainte, des troubles et des perturbations. » Et toi tu ne le gardes pas !

Mais on dira : « Pourquoi cet homme porte-t-il si haut la tête, et prend-il cet air d’importance ? » Je ne le fais pas encore comme je le devrais ; car je n’ai pas encore une confiance entière dans ce que j’ai appris et dans ce que j’ai accepté : je redoute encore ma propre faiblesse. Laissez-moi prendre cette confiance, et vous me verrez alors le regard et le port qu’on doit avoir ; je vous montrerai alors la statue achevée et polie. Mais que croyez-vous que cela soit ? L’air arrogant ? À Dieu ne plaise ? Est-ce que Jupiter à Olympie a l’air arrogant ? Non, mais il a le regard assuré comme doit l’avoir celui qui peut dire :

« Tout est irrévocable chez moi, et tout y est sûr. »

C’est là ce que je vous ferai voir en moi, avec la sincérité, l’honnêteté, la noblesse de cœur, le calme absolu. Me verrez-vous exempt de la mort, de la vieillesse, de la maladie ? Non ; mais vous me verrez