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qu’elles existent[1], nous aurons toujours à crier. Si nous crions parce qu’elles sont déplorables, qu’y a-t-il de déplorable à ce que périsse ce qui est né ? Ce qui nous fait périr, c’est une épée, une roue, la mer, une tuile, un tyran. Que t’importe la voie par laquelle tu descendras dans l’enfer. Toutes se valent. Et, si tu peux écouter la vérité, la voie par laquelle vous expédie le tyran est encore la plus courte. Jamais un tyran n’a mis six mois à tuer un homme, et la fièvre y met souvent une année. Il n’y a dans tout cela que du bruit et un étalage de mots vides de sens.

— « Je suis en danger de perdre la vie par le fait de César. » — Eh bien ! est-ce que je ne cours pas de dangers, moi qui habite Nicopolis, où il y a tant de tremblements de terre ? Et toi-même, quand tu traverses l’Adriatique, n’es-tu pas en danger, et en danger pour ta vie ? — « Ce sont mes opinions qui sont en danger ! » — Les tiennes ? Comment cela se peut-il ? Qu’est-ce qui pourrait te contraindre à croire ce que tu ne veux pas croire ? Sont-ce celles des autres ? Et quel danger y a-t-il pour toi dans l’erreur des autres ? — « Je suis en danger d’être exilé. » — Qu’est-ce qu’être exilé ? Est-ce être ailleurs qu’à Rome ? — « Oui. Et que faire si je suis envoyé à Gyaros ? » — S’il est dans ton intérêt d’y aller, tu iras ; si non, tu as où aller à la place de Gyaros ; tu peux aller dans un lieu où celui qui t’envoie à Gyaros, ira lui aussi, qu’il le veuille ou non. Pourquoi alors partir pour l’exil comme pour un grand malheur ? C’est une bien petite épreuve

  1. Il y a là dans le texte un jeu de mots intraduisible.