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même raison que les enfants devant les masques. Qu’est-ce qu’être enfant ? C’est ignorer. Qu’est-ce qu’être enfant ? C’est ne pas savoir. Quand l’enfant sait, il ne fait pas plus mal que nous. Qu’est-ce que la mort ? Un masque qui t’effraie. Retourne-le ; regarde ce que c’est ; tu verras qu’il ne mord pas. Il faut que ton corps soit séparé de ton âme, aujourd’hui ou plus tard, comme il l’a été auparavant. Pourquoi te fâcher de ce que c’est aujourd’hui ? Si ce n’était pas aujourd’hui, ce serait plus tard. Et pourquoi en est-il ainsi ? Pour que s’accomplisse la révolution du monde, qui a besoin de choses actuelles, de choses futures et de choses passées. Qu’est-ce que la douleur ? Un masque qui t’effraie. Retourne-le, et vois ce que c’est. Ton corps est dans un mouvement pénible en ce moment, agréable en un autre. Si tu n’y trouves pas ton compte, la porte t’est ouverte ; si tu l’y trouves, prends patience. La porte nous est toujours ouverte. Il le fallait ; et c’est par là que rien ne peut nous gêner.

Que gagnons-nous donc à penser ainsi ? Ce qu’il y a forcément de meilleur et de plus convenable pour les gens qui ont la vraie science : nous y gagnons le calme, la sécurité, la liberté. Sur ce point, en effet, il ne faut pas s’en rapporter à la foule, qui prétend que les hommes libres seuls peuvent s’instruire ; mais bien plutôt aux philosophes, qui soutiennent que les gens instruits sont seuls libres. Et comment cela ? Le voici. La liberté est-elle autre chose que le pouvoir de vivre comme on le veut ? — Non. — Répondez-moi donc, ô mortels : voulez-vous vivre en vous trompant ? — Nous ne le voulons pas. — Donc quiconque se trompe n’est pas