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frapper à la porte d’une école étrangère, pour lui emprunter des idées qui découlaient des principes mêmes de la sienne ?

Il y a mieux d’ailleurs : c’est que, malgré les nombreuses ressemblances des deux doctrines, l’esprit du Stoïcisme, même dans Épictète, est en opposition complète avec l’esprit du Christianisme. L’esprit du Chrétien est un esprit de mortification et de pénitence ; le Saint vit dans un tremblement perpétuel à la pensée des châtiments de la vie à venir, toujours présents devant ses yeux ; et il s’efforce d’en obtenir la remise par la rude pénitence qu’il s’impose ici-bas. Pour les Stoïciens, au contraire, et pour Épictète surtout, rien n’est à redouter après la mort : il n’y a ni Enfer, ni quoi que ce soit, au sortir de cette vie, qui ressemble à un châtiment. Quand nous mourons, notre être se décompose, et chacun des éléments dont il était formé se réunit à ses pareils dans le sein du grand tout. L’homme est ici-bas pour y être heureux ; les Dieux lui en ont donné les moyens ; et, de tous ces moyens, un des plus puissants est de se bien persuader que les craintes qu’on nous inspire d’une autre vie sont sans fondement.

Si Épictète, que les principes de son École devaient par eux-mêmes conduire à la charité, l’avait cependant empruntée au Christianisme, comment comprendre qu’il s’en fût tenu là, et qu’il se fût si complètement éloigné de lui sur d’autres points si importants ?