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ce qui dépend de moi et ce qui n’en dépend pas, et toutes les choses de ce genre. Quelqu’un peut-il donc croire qu’une chose lui est bonne et ne pas la choisir ? Il ne le peut. Comment donc une femme a-t-elle dit :

« Je comprends tout le mal que je vais faire ; mais ma colère est plus forte que toutes mes réflexions ? »

C’est parce que ce fait même de céder à sa colère et de punir son mari lui paraissait préférable à la vie de ses enfants. — Oui ; mais elle se trompait. — Montre-lui clairement qu’elle se trompe, et elle agira autrement. Mais, tant que tu ne le lui auras pas montré, que veux-tu qu’elle suive, si ce n’est ce qu’elle croit voir ? Rien. Pourquoi donc t’emporter contre elle, parce que la malheureuse s’est trompée sur les points les plus importants, et parce que de femme elle est devenue vipère ? Pourquoi donc, s’il en est ainsi, nous qui avons pitié des aveugles et des boiteux, n’avons-nous pas plutôt une égale pitié de ceux qui sont aveugles et boiteux quand il s’agit des choses les plus importantes ?

Si donc on sait clairement que l’homme n’a d’autre mesure de ses actions que ce qu’il lui semble voir (que cela lui semble à tort ou à raison d’ailleurs. Si à raison, il est sans reproches ; si à tort, il est le premier à en souffrir ; car il ne se peut pas que l’erreur soit d’un côté et la souffrance de l’autre), on n’aura de colère ni d’indignation contre personne, d’injures pour personne ; jamais de reproches ; jamais de haines ; jamais d’inimitiés. — Ainsi les belles actions et les mauvaises ont une même origine : ce que nous croyons voir ? — Pas d’autre que celle-là. L’Iliade n’est rien qu’idées de