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C’est de toutes les choses celle qui me plaît le mieux. — Appliquez donc vos notions à priori. » C’est là que commence leur désaccord ; l’un dit : « Il ne faut pas que je rende Chryseïs à son père ; » l’autre dit : « Il faut que tu la rendes. » En somme, il y en a un des deux qui applique mal la notion à priori du devoir. L’un dit encore : « Si je dois rendre Chryseïs, je dois prendre ce que l’on a donné à l’un de vous comme récompense. » L’autre dit : « Tu ne prendras pas ma maîtresse. » — « Je la prendrai, » réplique l’autre. — « Eh quoi ! serai-je donc seul (sans récompense) ? — Et moi seul à ne rien avoir ? »

C’est ainsi que naît le désaccord.

Qu’est-ce donc que s’instruire ? C’est apprendre à appliquer aux faits particuliers d’une manière conforme à la nature nos notions naturelles à priori ; c’est encore partager le monde en choses qui dépendent de nous et choses qui n’en dépendent pas. Ce qui dépend de nous, c’est notre libre arbitre, et tous les actes de ce libre arbitre ; ce qui n’en dépend pas, c’est notre corps et ses parties, notre fortune, nos parents, nos frères, nos enfants, notre patrie, en un mot tous ceux avec qui nous vivons. Où placerons-nous donc le bien ? À quelle espèce de choses en appliquerons-nous la notion ? À celles qui dépendent de nous ? Alors ce ne sera pas un bien qu’un corps sain et complet, non plus que la vie elle-même ! Nos enfants ne seront pas un bien, nos parents et notre patrie non plus ! Qu’est-ce qui supportera ton langage ? Essayons donc de mettre le bien dans ces choses.

Mais est-il possible d’être heureux, lorsque l’on